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Quand Severance puise dans les Backrooms pour redéfinir nos peurs modernes

La série Severance s’inspire d’une légende urbaine à la fois fascinante et angoissante : les Backrooms. On vous explique pourquoi (et comment) ces "coulisses" d’Internet résonnent avec les angoisses de notre époque.

12 min
Séries
29 January 2025 à 4h54

Severance (Apple TV+) s'impose comme l'une des séries les plus marquantes de ces dernières années. En mêlant science-fiction, thriller psychologique et drame intimiste, elle nous plonge dans un univers à la fois familier et profondément dérangeant. Ce qui impressionne également, c'est la richesse incroyable de ses influences. La série puise en effet dans un réservoir de références culturelles allant du cinéma à la peinture, en passant par la littérature, les jeux vidéo, et même… les légendes urbaines. Car l’une des principales inspirations de l’univers visuel de Severance n’est autre que l’une des légendes urbaines les plus fascinantes et angoissantes des années 2020 : les Backrooms. Une inspiration bien plus qu’esthétique, tant ces lieux imaginaires résonnent avec les anxiétés contemporaines. Découvrons pourquoi Severance dépasse le simple cadre d'une série sur le travail et ce qu'elle révèle sur notre époque.

Les inspirations principales de Severance : Backrooms et au-delà

Qu'est-ce que les Backrooms ? Une légende urbaine numérique

Les Backrooms, une légende urbaine née d'une simple image postée sur le forum 4Chan en mai 2019, se sont rapidement transformées en un phénomène culturel. Ces espaces infinis de bureaux déserts, éclairés par des néons blafards et recouverts d'une moquette jaunâtre, évoquent une dimension parallèle accessible en "noclippant" hors de la réalité. Ce terme, emprunté aux jeux vidéo, désigne littéralement le fait de traverser un mur ou une texture pour accéder à un espace caché ou inexistant dans le monde réel.

"Imaginez que vous sortez du cadre de la réalité pour tomber dans un endroit qui semble familier mais terriblement faux, sans issue apparente. Voilà l'essence des Backrooms."

Ce mythe moderne joue sur l'angoisse universelle de l'inconnu et sur la sensation dérangeante des lieux liminaux – ces espaces transitoires où le temps semble suspendu. Cette esthétique singulière a marqué les esprits au point d'inspirer des films, des jeux vidéo et... Severance, évidemment.

Dan Erickson et sa vision : Inspirations et influences

Dan Erickson, créateur de Severance, a puisé dans ses expériences personnelles pour donner vie à l'univers oppressant de Lumon Industries. Dans plusieurs interviews, il a mentionné que son inspiration première venait d'un sentiment d'aliénation ressenti lors d'un emploi de bureau monotone. Mais ses influences dépassent largement sa biographie personnelle.

Principales inspirations de Dan Erickson :
- L'esthétique minimaliste et déshumanisante des Backrooms.
- Des œuvres cinématographiques comme Brazil (1985) ou The Truman Show (1998), qui explorent aussi les thèmes du contrôle et du conditionnement.
- La littérature dystopique, notamment 1984 de George Orwell.
- La comédie noire des strips Dilbert, critique acerbe du monde corporate.
- Les jeux vidéo tels que The Stanley Parable, qui interrogent les limites entre choix personnel et déterminisme.

Ces multiples références se retrouvent dans chaque recoin de la série, qu'il s'agisse de la froideur clinique des décors ou du symbolisme omniprésent dans les dialogues cryptiques.

Pourquoi les Backrooms ont façonné l'univers de Severance

L'influence visuelle des Backrooms est évidente dès les premiers plans montrant les couloirs interminables et impersonnels des bureaux de Lumon Industries. Ces espaces jouent sur une esthétique rétro-futuriste où le familier devient troublant, une signature visuelle qui met immédiatement le spectateur mal à l'aise.

Couloir rappelant les Backrooms dans Severance

Mais ce n'est pas qu'une question d'apparence : c'est aussi narratif. Les Backrooms incarnent cette idée que nous pourrions être piégés dans un espace mental ou physique sans échappatoire possible – une métaphore parfaite pour représenter la dissociation vécue par les employés "séparés" chez Lumon. Chaque couloir sans fin devient une allégorie du conditionnement imposé par le capitalisme moderne.

Ainsi, Severance ne se contente pas d'imiter l'esthétique troublante des Backrooms ; elle en capture également toute la charge émotionnelle et philosophique. En cela, la série transcende son inspiration pour offrir une réflexion plus vaste sur notre rapport au travail et à l'identité.

Analyse visuelle : Les Backrooms et l'esthétique de Severance

Les couloirs de Lumon : Une réplique des Backrooms

Lorsque l'on explore les bureaux de Lumon Industries dans Severance, il est impossible de ne pas remarquer leur ressemblance troublante avec les Backrooms. Ces espaces labyrinthiques, aux murs fades et à l'éclairage fluorescent agressif, évoquent une perte totale de repères. La juxtaposition entre ces deux univers visuels révèle une intention claire : capturer l'angoisse existentielle de l'infini monotone.

Tableau comparatif : Caractéristiques visuelles

Caractéristiques Backrooms Lumon Industries (Severance)
Couleurs dominantes Jaune monotone, murs ternes Palette neutre, blanc aseptisé
Éclairage Fluorescent, bourdonnement constant Lumière artificielle froide, omniprésente
Disposition spatiale Labyrinthique, sans fin visible Couloirs interminables, disposition géométrique stricte
Sensation transmise Perte de repères, étrangeté familière Oppression psychologique, aliénation

Les couloirs de Lumon sont conçus pour désorienter autant que les Backrooms. Chaque détour semble identique au précédent, provoquant un sentiment d'enfermement psychologique.

L'esthétique rétro-futuriste : Entre familiarité et étrangeté

Le choix esthétique de Severance s'inscrit dans une veine rétro-futuriste. Ce style puise dans une vision du futur imaginée par le passé – souvent marquée par des lignes épurées et des technologies obsolètes mais fascinantes. Dans Severance, cette esthétique se traduit par des meubles minimalistes et des appareils anachroniques qui semblent tout droit sortis des années 70.

"L'esthétique rétro-futuriste crée un pont entre nostalgie et aliénation technologique."

Cette tension entre passé et avenir reflète parfaitement l'état d'esprit des employés "séparés" chez Lumon. Ils évoluent dans un environnement où tout semble familier mais terriblement faux. Cette dualité amplifie la dissonance cognitive ressentie par les personnages – et par extension, le spectateur.

Symbolisme des espaces confinés : Une critique du travail moderne

Les espaces confinés dans Severance ne sont pas qu'un décor ; ils incarnent une métaphore puissante sur l'aliénation au travail. Les bureaux sans fenêtres ni personnalisation possible symbolisent la déshumanisation imposée par les environnements corporatifs modernes.

Selon Philonomist, chaque couloir symbolise "un conditionnement totalitaire" où les individus perdent leur autonomie mentale et physique. Le design même des espaces limite toute forme d'expression personnelle ou d'évasion mentale.

Ainsi, Dan Erickson utilise ces environnements oppressants pour poser une question fondamentale : jusqu'où sommes-nous prêts à aller pour séparer notre identité professionnelle de notre humanité ?

Les légendes urbaines et leur pouvoir narratif dans Severance

L'angoisse des Backrooms : Une peur universelle

Dès leur apparition sur 4Chan en 2019, les Backrooms ont frappé l'imaginaire collectif avec une force singulière. Ces espaces sans fin, baignés d'une lumière néon oppressante et recouverts d'une moquette jaunâtre, sont devenus un symbole de l'inquiétante étrangeté. Ce n'est pas qu'une question d'esthétique ; c'est une plongée dans des angoisses humaines fondamentales. La peur de l'inconnu, l'idée d'être piégé dans une boucle sans issue ou encore le sentiment de familiarité troublante – tout cela converge dans ces lieux liminaux.

"Les Backrooms incarnent une terreur silencieuse : celle de perdre tout repère dans un espace qui semble familier mais refuse obstinément toute logique."

Une anecdote marquante ? Plusieurs témoignages sur des forums affirment que les Backrooms rappellent à certains leurs propres cauchemars récurrents. Cette connexion presque universelle entre fiction et subconscient explique pourquoi Severance a puisé dans cet imaginaire pour amplifier son atmosphère claustrophobique.

La dissociation comme métaphore : Entre fiction et réalité

Dans Severance, la dissociation est au cœur même du récit. Les employés "séparés" de Lumon Industries vivent littéralement deux existences distinctes : celle du travailleur et celle de l'individu extérieur. Cette double vie n'est pas seulement un concept narratif brillant ; elle reflète des expériences réelles vécues par ceux qui se sentent aliénés par leur environnement professionnel.

La dissociation, selon certaines études, survient souvent en réponse à des traumatismes ou des environnements oppressants. Dans Severance, cette idée est magnifiée pour devenir une critique sociale acerbe : jusqu'où peut-on aller pour compartimenter nos vies ?

L'utilisation de ce concept touche à des mythes modernes bien ancrés, comme celui du "double" ou du masque social – ces personas que nous adoptons pour naviguer entre différentes sphères de notre existence. Lumon devient alors un miroir déformant, où le spectateur est confronté à ses propres compromis identitaires.

Comment Severance utilise les mythes modernes pour captiver

Severance ne se contente pas d'intégrer des influences visuelles comme celles des Backrooms ; elle s'appuie également sur des mythes contemporains pour tisser son intrigue. Les légendes urbaines numériques, telles que les creepypastas ou les récits autour de mondes parallèles, servent ici de toile de fond pour explorer des thématiques complexes.

Les mythes modernes, comme le souligne une analyse, permettent aux récits contemporains d'explorer des questions existentielles de manière accessible mais percutante. Dans Severance, ce procédé crée une tension narrative captivante : chaque élément étrange ou incongru semble chargé d'une symbolique plus large.

Ainsi, la série s'inscrit dans une tradition où le mythe sert autant à effrayer qu'à éclairer. Elle invite le spectateur à réfléchir non seulement sur sa relation au travail mais aussi sur la manière dont il construit son propre récit intérieur face aux pressions externes.

Un patchwork culturel : Les multiples inspirations de Severance

La série Severance n'est pas qu'une simple œuvre dystopique ; elle est un véritable carrefour culturel, tissant des influences cinématographiques, télévisuelles et sociales pour créer un univers à la fois fascinant et troublant. Explorons comment cette mosaïque d'inspirations a donné naissance à l'une des séries les plus captivantes de ces dernières années.

De The Truman Show à Brazil : Les échos cinématographiques

Dan Erickson, créateur de Severance, s'inscrit dans une tradition artistique qui mêle satire sociale et esthétique oppressante. Parmi ses principales influences cinématographiques, deux œuvres se distinguent particulièrement :

  • The Truman Show (1998) : Comme dans ce classique de Peter Weir, Severance explore le thème du contrôle total sur l'individu. Les employés "séparés" de Lumon Industries vivent dans un monde où chaque aspect de leur existence professionnelle est surveillé, manipulé et déconnecté de leur vie personnelle. Cette idée d'une réalité construite autour d'un mensonge rappelle avec force la quête existentielle de Truman Burbank.
  • Brazil (1985) : La bureaucratie kafkaïenne imaginée par Terry Gilliam trouve un écho direct dans la froideur clinique des bureaux de Lumon. Le design rétro-futuriste des décors et l'absurdité des procédures administratives sont autant de clins d'œil à cet univers dystopique où l'humain est réduit à un rouage impersonnel.

Ce dialogue entre cinéma et télévision pousse Severance à transcender son statut de série pour devenir une réflexion sur les limites entre réalité et contrôle institutionnel.

L'ambiance de Twin Peaks et The Shining : Des influences palpables

L'étrangeté qui imprègne chaque recoin de Severance doit beaucoup à des œuvres comme Twin Peaks et The Shining. La série emprunte aux créations de David Lynch cette atmosphère onirique où le banal devient inquiétant. Par exemple, les couloirs interminables et identiques des bureaux évoquent les labyrinthes mentaux du Black Lodge dans Twin Peaks.

Quant à The Shining, son influence se ressent dans l'utilisation des espaces vides pour susciter un malaise psychologique. Tout comme l'hôtel Overlook, Lumon Industries semble être un personnage en soi, hantant ses occupants par son architecture oppressante et sa symétrie troublante.

"Les espaces vides ne sont jamais neutres dans Severance : ils amplifient le sentiment d'isolement tout en reflétant les pensées fragmentées des personnages."

La critique sociale : De Dilbert à The Stanley Parable

Enfin, Severance s'inscrit dans une tradition satirique qui trouve ses racines dans la culture populaire contemporaine. L'humour noir utilisé par Dan Erickson rappelle les strips acérés de Dilbert, qui dénoncent depuis des décennies les absurdités du monde corporate. Mais il y a aussi quelque chose du jeu vidéo The Stanley Parable dans cette exploration absurde des choix – ou plutôt leur absence – au sein d'un système rigide.

En articulant angoisse existentielle et sarcasme mordant, Severance offre une critique cinglante du capitalisme moderne. Chaque élément visuel ou narratif semble poser une question essentielle : jusqu'où peut-on aller pour compartimenter nos vies sans perdre notre humanité ?

Ainsi, cette série n'est pas seulement un miroir sombre de notre époque ; elle est aussi une invitation à repenser nos propres contradictions face au travail et aux structures sociales.

Conclusion : Severance, un reflet de nos angoisses contemporaines

Pourquoi Severance et les Backrooms résonnent aujourd'hui

En jouant avec l'esthétique des Backrooms, Severance capte une peur viscérale : celle de se perdre dans un espace familier mais étrangement oppressant. À travers ses décors froids et sa narration labyrinthique, la série questionne notre rapport au travail, à l'identité et à la dissociation mentale imposée par le capitalisme moderne. Elle pousse à réfléchir sur ce que nous sommes prêts à sacrifier pour maintenir un équilibre illusoire entre vie personnelle et professionnelle.

Dan Erickson ne se limite pas à créer une dystopie visuellement captivante ; il élabore une critique sociale qui résonne avec les mythes modernes et nos angoisses collectives. Severance redéfinit ainsi les limites du récit télévisuel tout en offrant un miroir troublant de nos propres contradictions.

Note globale : ⭐⭐⭐⭐✨ (4.5/5) — Une série captivante, aussi perturbante que nécessaire.

Quand Severance puise dans les Backrooms pour redéfinir nos peurs modernes
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